Les mots de Georges Brassens sonnent en musique sur les cailloux d’un ruisseau que je suis depuis des heures déjà, le traversant parfois pour accompagner son flanc droit ou gauche selon l’éclairage ou l’état de la rive, toujours les pieds dans l’eau, parfois même au-dessus des genoux, entièrement concentrée sur le flamboyant spectacle d’illusionniste que jouent ensemble l’eau et la lumière.
Le moindre obstacle les ravit, tout est prétexte à épouser, caresser, déformer les formes rondes ou abruptes d’un rocher couché paresseusement en travers de leur course, ici une racine de tremble, là une branche cassée de cynorrhodon, égarées au fil de l’eau sans aucun secours pour rejoindre leur terre nourricière, plus loin encore un amas de matières inextricables, prémices d’une cascade qui soudainement interrompt le jeu dans un vacarme grondeur et précipite les deux acolytes dans une vasque paisible où leur sidération accordée à la mienne ouvre enfin une voie paisible à la contemplation.
Brigitte Fort (revue Passe Murailles n°3)
Nous n’avons pas fait de ces longs voyages
À travers nuages
Vers un fond du ciel.
Mais je suis resté
Pendant des instants ou l’éternité
Comme de l’eau dans l’eau.
Eugène Guillevic